Il est des joueurs et des joueuses qui possèdent et maîtrisent une technique complète mais qui ont pourtant du mal à remporter leurs match. Cependant, ce qui paraît difficile à croire est pourtant logique quand on comprend que bien jouer au tennis et gagner ses matchs sont deux compétences distinctes. Un match de tennis est comme une pièce de théâtre ou l’on ferait la part belle à l’improvisation. Un match de tennis peut aussi s’apparenter à une partie d’échecs avec une stratégie à appliquer de bout en bout. Je vous donne en fin d’article deux conseils qui vous permettront d’améliorer rapidement vos qualités de compétiteur.
Un problème beaucoup plus courant que l’on croit
La problématique du jour vient de Nadia qui a du mal à gagner ses matchs malgré une belle technique. C’est un problème que j’ai bien connu moi-même dans mes premières années de tennis.
Une lectrice de Blog Tennis Concept
J’ai 45 ans. Je joue au tennis depuis l’âge de 12 ans. Après une grosse pause entre 30 et 40 ans due à une hernie discale, j’ai repris le tennis avec le désir de reprendre la compétition. Depuis que je suis petite j’entends toujours la même chose « Nadia elle a une belle technique mais elle ne sait pas gagner ses matchs », « C’est celle qui joue le mieux et pourtant elle perd tout le temps », « ah tu joues Nadia, tu verras elle a beau jeu mais tu vas la battre » ou encore « avec le jeu que tu as tu devrais tout gagner ».
Ça m’a beaucoup pesé durant mon adolescence. Quand j’ai repris avec ma blessure, je me suis retrouvé dans le même cas de figure et à entendre toujours les mêmes remarques. Pourtant je m’entraîne beaucoup plus qu’avant (je jouais en moyenne 2 x par semaine, y compris un cours collectif). Aujourd’hui je joue 4-5 fois par semaine, 2 fois en privé et les autres fois avec des partenaires.
Mais en tournoi je perds toujours, impossible de gagner même un tableau 4e série.
Je suis tentée d’abandonner mais je me dis que quand même il doit y avoir un moyen de passer au-dessus de ça. Je sers bien, j’ai un coup droit puissant et j’ai beaucoup amélioré mon revers à deux mains qui était mon point faible. En match souvent mon coup droit me lâche (petit bras) et je n’arrive plus à distribuer le jeu pour faire bouger mon adversaire. Ce que j’arrive très bien à faire en entraînement. Et je cumule des fautes…
Beaucoup de choses intéressantes dans ce courrier à commencer par analyser ce que dit l’entourage de Nadia
Nadia elle a une belle technique, mais elle ne sait pas gagner ses matchs
Jouer au tennis en compétition nécessite plusieurs compétences : avoir une belle technique c’en est une, gagner des matchs c’en est une autre. C’est aussi simple que ça. Avoir une belle technique ne suffit pas pour gagner des matchs. D’ailleurs, nombreux sont les compétiteurs qui ont une technique rudimentaire et qui pourtant gagnent leurs matchs.
C’est elle qui joue le mieux et pourtant elle perd tout le temps
Il y a dans cette phrase, un non-sens très répandu au tennis. On peut le comparer au très célèbre « j’ai perdu contre moins fort » ou vice-versa « j’ai gagné contre plus fort ». Au tennis, c’est celui qui a gagné qui a nécessairement fait le meilleur match. On ne joue pas nécessairement mieux si on a une meilleure technique que son adversaire. Il est important de le comprendre. Si on a une bonne technique gestuelle et qu’on perd tout le temps (contre des joueurs/joueuses qui ont une moins bonne technique), on a une grosse marge de progression. Il suffit de mette sa technique au service de son jeu.
Avec le jeu que tu as, tu devrais tout gagner
La preuve que non, encore une fois, on confond maîtrise technique avec compétence à gagner des matchs.
Si on analyse la suite du courrier
Ça m’a beaucoup pesé durant mon adolescence. Quand j’ai repris avec ma blessure, je me suis retrouvé dans le même cas de figure et à entendre toujours les mêmes remarques.
Je comprends parfaitement ce que ressent Nadia, parce que j’ai ressenti des émotions similaires. J’étais un joueur appliqué avec une technique correcte et j’avais du mal à comprendre pourquoi certains joueurs au bagage technique plus rudimentaire avaient de meilleurs résultats que moi en compétition. Le problème des « remarques » sont qu’elles pointent l’anomalie sans apporter de solutions.
Pourtant je m’entraîne beaucoup plus qu’avant
Il faut bien comprendre que le temps passé sur le court ne résout pas forcément le problème. Si on ne travaille pas la compétence gagner des matchs, on n’augmente pas vraiment ses chances de gagner des matchs à la mesure de son investissement
Aujourd’hui je joue 4-5 fois par semaine, 2 fois en privé et les autres fois avec des partenaires.
Prendre des séances individuelles est une excellente chose pour progresser. Attention toutefois à bien préciser à votre entraineur ce que vous souhaitez améliorer dans votre tennis, faute de quoi il risque de vous proposer de travailler votre technique. D’ailleurs, quand un enseignant est sollicité pour un cours individuel, ce sera le plus souvent pour une question technique. Travail du coup droit, du revers, du service…
Nous avons en France une forte culture du travail technique qui domine très largement le travail tactique et je ne parle pas de la culture du mental qui est pratiquement inexistante. La dernière fois que j’ai fait un tour sur le site de la Fédération Française de tennis, les vidéos pédagogiques proposées aux licenciés portent essentiellement sur la bonne réalisation des différents coups.
N’hésitez pas à poser des questions à votre entraîneur sur la tactique et demandez-lui de faire un travail technico-tactique avec des schémas de jeu adapté à votre personnalité de joueur.
Je suis tentée d’abandonner mais je me dis que quand même il doit y avoir un moyen de passer au-dessus de ça.
Bien sûr, surtout que dans la mesure où vous possédez un bon bagage technique, tout acquisition de connaissance dans le domaine tactique (par exemple) vous sera grandement profitable en match.
Je sers bien, j’ai un coup droit puissant et j’ai beaucoup amélioré mon revers à deux mains qui était mon point faible
Bon point, Nadia connait ses points forts et son point faible, c’est un excellent point de départ pour commencer à travailler sa capacité à gagner des matchs.
En match souvent mon coup droit me lâche (petit bras) et je n’arrive plus à distribuer le jeu pour faire bouger mon adversaire. Ce que j’arrive très bien à faire en entraînement. Et je cumule des fautes
Le contexte d’un match est bien différent du contexte d’un entraînement, ce que nous allons voir dans la suite de l’article
Un match de tennis est une pièce de théâtre
Disputer un match de tennis c’est pour moi comme venir jouer une pièce de théâtre, en connaissant en partie son texte, tout en sachant qu’on va faire essentiellement de l’improvisation.
Connaître son texte
Connaître son texte : c’est d’abord savoir jouer les 6 coups de bases du tennis (Service, Retour, coup droit, revers, volée et smash). Dans un match, vous allez faire ces 6 coups dans des proportions variables. S’il y a un ou des coups que vous ne savez pas faire vous serez mis en difficulté, ou vous risquez de l’être si votre adversaire le découvre.
Exemple : je ne sais pas faire de smash, mais ce n’est pas un problème vu que je ne monte pas au filet.
Attention, si votre adversaire le découvre, il risque de tout faire pour vous attirer au filet et vous faire smasher.
Connaître son style
Connaître son texte s’est aussi connaître son style de jeu (savoir comment on a l’intention de gagner ses points) ainsi que son ou ses points fort /faible.
Improviser
Après, au tennis, on n’est pas entièrement maître de son destin, c’est le côté improvisation. On peut très bien avoir un bon coup droit d’attaque à l’entraînement et se retrouver en face d’un joueur ou d’une joueuse qui ne nous laisse aucun moyen de l’utiliser.
Et si notre adversaire est malin, c’est précisément ce qu’il va chercher à faire. A nous de trouver alors un moyen de le contrarier dans ses plans pour pouvoir utiliser enfin notre point fort (coup droit d’attaque).
Pour en revenir à mon analogie sur le théâtre, il faut donc être à l’écoute de ce que nous propose notre adversaire pour pouvoir déclamer un bout de texte appris qui soit en cohérence avec la proposition adverse.
Si on vient sur le court pour frapper des coups droits d’attaque et que notre adversaire nous force à jouer un revers, il faudra d’abord jouer un revers avant de faire en sorte de pouvoir jouer un coup droit d’attaque.
C’est aussi une partie d’échecs
Avoir une belle/bonne technique gestuelle, c’est pour moi comme si on connaissait les règles du jeu d’échec et qu’on savait bouger les pièces. C’est une condition nécessaire pour pouvoir disputer une partie, ce n’est pas suffisant pour mater son adversaire.
Pour pouvoir mater son adversaire aux échecs, il est nécessaire de savoir où placer précisément ses pièces dans le but de contrôler le jeu et de prendre l’avantage. Toujours en tenant compte de ce que va faire son adversaire.
La meilleure question à se poser
Dans son livre référence « Winning Ugly », Brad Gilbert (un des plus grands tacticiens du tennis de tous les temps) nous suggère d’analyser ce qui se passe dans un match en répondant à chaque changement de côté, à la simple question « qui fait quoi à qui ?»
Ce qui pourrait se traduire dans notre cas concret par « mon adversaire neutralise mon coup droit d’attaque et me déborde sur mon revers avec son coup droit ».
Que faire ?
Par exemple l’empêcher à notre tour d’utiliser son coup droit en trouvant une zone/hauteur de balle qui neutralise son coup fort. Ensuite, l’obliger à nous livrer une balle qui pourra nous permettre d’utiliser notre coup droit d’attaque sur son revers.
Inutile de chercher à résoudre les deux problèmes en même temps, le simple fait de résoudre un des deux problèmes (neutraliser son coup droit) changera la physionomie du match (voir théorie des vases communicants).
L’essentiel de ce qui a été écrit sur le tennis du point de vue tactique, l’a été par des auteurs anglo-saxons. Deux ouvrages francophones de références ont cependant été écrits ces dernières années sur le sujet.
Les Fondamentaux Tactiques (de Cyril Ravilly), vous permettra de mieux connaître la géométrie du court et savoir ou placer ses coups (entre autre).
Quel joueur êtes-vous ? (de Fabrice Sbarro) vous permettra de mieux connaître votre rôle, celui de vos adversaire et surtout de comment jouer au mieux votre partition en fonction de votre adversaire pour l’emporter.
Deux conseils pour augmenter ses chances de gagner ses matchs
Après avoir constaté que bien jouer au tennis et gagner ses matchs étaient deux choses différentes, que le tennis de compétition tenait à la fois du théâtre et du jeu d’échec, il me restait à rentrer davantage dans le concret avec ces deux conseils immédiatement applicables.
Conseil 1) Etre focus sur la tactique plutôt que sur la technique
Plus concrètement, concentrer ses efforts sur l’objectif premier du coup qui est de toucher une cible dans le court adverse.
On pourra bien sûr agir sur la vitesse, l’effet (trajectoire, rebond) et la hauteur par rapport au filet.
Les fondus de tactique, peut-être l’avez-vous déjà remarqué, sont moins branché mental. C’est logique ils en ont moins besoin car ils sont plus focalisé sur la « cible » que sur le geste. Quand on pense cible, on ne pense pas technique. Notre cerveau conscient ne peut se focaliser que sur une seule chose à la fois, si on se focalise sur la cible on fait confiance à son deuxième moi (notre cerveau non-conscient) celui qui est capable de faire plusieurs centaine de calculs à la seconde. D’où le paradoxe, moins on pense technique, plus on a de chance d’être juste techniquement.
A chaque balle, vous devez avoir une intention. Souvent, lorsque je dispute des points lors de ma séance collective hebdomadaire, après un point raté, mon entraineur me demande : quelle était ton intention sur la dernière balle ? Devinez la réponse ?
Conseil 2) Travaillez vos schémas tactiques.
Dans le cas de Nadia, on a un bon service, un bon coup droit et un revers de remise. On va voir ensemble ce qu’on peut faire avec ces données pour remporter plus facilement ses jeux de service.
A droite, du côté des égalités
Service extérieur suivi coup droit long de ligne (retour croisé). Alterner bien sûr avec le service sur le T (voir vidéo 3)
Variante 1 (retour au centre) : Décalage coup-droit décroisé sur le revers (en alternance avec court-croisé dans le contre-pied)
Variante 2 (retour sur le revers) : Décalage coup droit décroisé (punché) sur le revers, ou revers de remise haut (ou bas) sur le revers (du droitier, droitière)
Vous allez me dire, c’est compliqué : attention il faut pratiquer, pratiquer et encore pratiquer en jouant plusieurs fois de suite du même côté par exemple.
Service à gauche (avantage) : Méthode Agassi (80’s)
On se décale vers la droite pour servir encore une fois les extérieurs (et encore une fois on alterne avec le T). Les avantages :
1 on s’ouvre plus d’angle et on a un filet plus bas quand on vise l’extérieur
2 On est replacé pour jouer un coup droit
L’adversaire retourne au milieu pas trop haut (s’il joue trop haut on joue l’échange), changement de direction, on joue fort sur le coup droit adverse, on joue un autre coup droit
Variante 1 : l’adversaire voit le trou et retourne long de ligne (attention il a gros changement de direction à faire), coup droit croisé
Variante 2 : L’adversaire retourne croisé (peu de chance qu’il retourne haut court croisé), soit coup droit de décalage (long de ligne ou croisé), soit remise en revers croisé, soit revers coupé bas long de ligne pour forcer l’adversaire à relever la balle.
Je vous laisse réfléchir aux différentes options que vous allez pouvoir mettre en place dans l’échange pour exploiter la puissance de votre coup droit.
Et vous, avez-vous pensé à optimiser vos points fort en travaillant vos schémas tactiques ? Vous pouvez vous exprimer dans les commentaires et me poser des questions si vous le souhaitez.
crédit photo mise en avant : Thought Quotient
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