Nous sommes le dimanche 29 mai 2011, sur le court Suzanne Lenglen du stade Roland Garros et l’italien Fabio Fognini (49e) est mené 7 jeux à 6 et 15/30 par l’espagnol Albert Montanes (38e) dans le 5ème set de ce 8ème de finale de l’Open de France. C’est le moment qu’il choisit pour appeler le kiné du tournoi pour trois minutes de soins, comme le règlement le lui autorise. Le joueur transalpin soupçonné de comédie est copieusement sifflé. Il sortira pourtant du court quelques minutes plus tard, ovationné par le même public.
Des crampes ?
Après quatre heures de match, Fabio a les deux jambes raides. Les crampes ont fait leur apparitions bien-sûr depuis la fin du quatrième set mais c’est surtout la gauche qui le fait souffrir et l’inquiète. C’est d’ailleurs une paralysie totale de cette jambe, à la suite d’un service qui commandera l’intervention du soigneur. Après massage et bandage du membre douloureux, le jeu reprend pour une fin de match totalement atypique. L’italien ne pouvant plus se déplacer, il décide de jouer crânement sa chance en accélérant toutes les balles qui passaient à sa portée. L’italien s’appliqua à laisser partir son bras et à terminer tous les points en trois coups de raquettes maximum. Après avoir sauvé 4 balles de match, commis 5 fautes de pied et nombre de points gagnants, l’italien s’est finalement imposé 11 jeux à 9.
“C’est une victoire les plus étranges que j’ai vue de ma vie. Ca semblait impossible, il ne bougeait plus…”commenta Novak Djokovic dans le journal l’équipe du lundi 30 mai. Venu voir jouer son adversaire des quarts de finale, il eut la surprise de bénéficier le lendemain du forfait de son adversaire. Fognini, bien décidé à défendre ses chances face au serbe, dut renoncer au match aux vues de l’IRM qui montrait un muscle droit fémoral salement touché. Ce n’était donc pas du cinéma.
Un dénouement totalement imprévisible ?
Quand une blessure intervient dans un match, cela perturbe considérablement la partie. Le joueur atteint n’est pas forcément le plus désavantagé car c’est lui qui va influer le plus sur la partie. Dans le cas de Fognini son incapacité à se déplacer a entrainé une surcompensation dans la prise de risque qui a complètement déstabilisé Montanes. Si l’on se place du côté de l’espagnol, la tactique était pourtant simple : déplacer son adversaire et tranquillement le déborder. Mais Albert Montanes n’avait jamais atteint lui non plus les quart de finale à Paris et la perspective de terminer son match aisément a certainement dû le faire sortir du match.
Jouer contre un adversaire blessé qui n’abandonne pas n’est pas forcément un cadeau, mais le plus souvent c’est quand même le joueur valide qui gagne. Je me rappelle d’un Yevgeni Kafelnikov exécutant un André Agassi incapable de frapper un revers, en trois sets, en quart de finale du Rolland Garros 1995 et sans état d’âme.
Je n’ai jamais joué contre un joueur qui s’est réellement blessé contre moi mais j’ai eu affaire à un grand nombre de simulateurs ou plutôt d’hypocondriaques. Il y a beaucoup de joueurs qui exagèrent volontairement ou pas des petits bobos passent leur match à se plaindre et jouent pourtant parfaitement bien leur partition tennistique. Heureusement, cela me laisse de glace et cela a même plutôt la conséquence de renforcer ma détermination à les battre.
La compensation du joueur blessé.
Si on prend en compte le fait que ce qui est fait n’est pas forcément à refaire. Alors je peux vous l’avouer, j’ai joué mes 8 derniers matchs avec un claquage aux adducteurs droit. J’ai cru au début qu’il s’agissait d’une contracture mais une visite chez mon généraliste m’éclaira sur l’origine du bleu énorme qui était apparu sur ma jambe. Je ne jouerai donc pas les mois de juillet et d’août 2011 à mon sport favori. Ça ne m’empêchera pas de vous parler des deux derniers matchs que j’ai disputés.
La douleur à la jambe m’interdisait les démarrages brutaux ainsi que les changements de direction trop rapides. Mon avant dernier match fût contre un jeune classé 40 qui avait posé beaucoup de problème au dernier joueur qui m’avait battu. Je compris rapidement pourquoi. Ses balles étaient molles, choppées et ne dépassaient que très rarement le carré de service. Exactement le type de balle sur lesquelles on se précipite pour arroser les bâches du fond de court*. J’avais réellement mal, mais il était hors de question d’abandonner si mon adversaire ne faisait pas d’effort pour animer le jeu. Je lui répondais donc du tac au tac, utilisant à mon tour exclusivement du chop. Je répondais aux balles trop courtes par des contre-amorties, des montées au filet, des balles courtes-croisées ou des contre pieds mortels sur ces terres battues asséchées. En plus, je servais bien. Ce qui me permit de gagner des point directement et d’enchainer service-volée sur des retours flottants. J’ai terminé le match en moins d’une heure et j’obtins trois jours de récupération pour le match suivant.
Mon dernier match se déroula contre un gaucher puissant qui aimait le rythme. Il servait et retournait bien. Son coup-droit me débordait très régulièrement et il distillait des amorties que je ne pouvais même pas tenter d’aller chercher. Malgré la douleur, je me suis arraché sur quelques points (et dans ce cas le terme arraché n’était pas qu’une image) et j’ai décidé de jouer le match jusqu’à son terme. Je fus doublement soulagé par ma défaite.
1 Je m’inclinais contre un adversaire de valeur qui avait su jouer le jeu qui fallait pour me battre.
2 Mon tournoi était enfin terminé et j’allais enfin pouvoir me faire examiner.J’avais été au bout de ce que pouvais faire, mais j’avais la sensation que tout cela n’était pas vraiment raisonnable.
*arroser les bâches signifie faire des grosses fautes de longueur. Il est en effet possible d’envoyer des balles non seulement plusieurs mètres derrière la ligne de fond de court mais encore directement sur les bâches derrières qui protègent les courts du vent.
crédit photo du haut : Daniel
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