Nadal préparation de coup droit

5 choses à retenir du jeu de Rafael NADAL

Rafael Nadal © Karl Hab

C’est un crève-cœur pour moi de démarrer cette galerie de portrait par un joueur dont la conception du jeu est à l’opposé de la mienne (plutôt porté sur le jeu d’attaque). Il faut pourtant se rendre à l’évidence. Si le jeu de l’immense champion espagnol n’est pas le plus spectaculaire, il est sans doute le plus efficace. Parmi les nombreuses leçons que ce grand champion nous a déjà donné j’en ai sélectionné 5 pour vous.

Forcer l’adversaire à faire la faute (leçon 1)

Il est des vérités particulièrement déplaisantes à rappeler mais pour bien comprendre la base de la philosophie du jeu de Rafa, il faut se rappeler que dans un match de tennis il y a toujours plus de fautes que de points gagnants (et c’est un ancien marqueur des scores de Roland Garros qui vous l’affirme). Donc, n’en déplaise aux esthètes du jeu et autre poètes romantiques (dont je fais partie), vous gagnerez toujours plus de points sur les fautes de l’adversaire, qu’en le mettant à quatre mètres de la balle.

Rafael Nadal qui imprime à ses coups de fond de court des très fortes rotations, perd en vitesse de balle ce qu’il gagne en sécurité et en gène à l’adversaire. Le rebond de son coup droit lifté qui gicle au-dessus de l’épaule de ses opposants est un poison qui rend la réplique de ces derniers particulièrement pénible. Nadal, quand il est en position de terminer le point proprement par un coup à plat (ce qu’il fait de temps en temps) choisit très souvent l’option de faire jouer le joueur en face un coup de plus, de préférence dans le coin opposé du court. A l’arrivé, le point est peut-être moins spectaculaire, mais le travail de sape physique de l’adversaire engagé en fait, en réalité, un point qui compte double. Un joueur fatigué fait plus de fautes et ça, Rafael l’a très bien compris.

En pratique

Si vous êtes un attaquant qui cherchez systématiquement la balle que l’adversaire ne pourra même pas toucher, apprenez à faire jouer, de temps en temps, votre adversaire un coup supplémentaire. Vous ferez moins de fautes et les fautes de l’adversaire seront des points qui compteront pareil pour vous, voire plus.

A contrario, si vous êtes un renvoyeur qui attendez la faute de l’adversaire, essayez de forcer le destin en le faisant parcourir le maximum de terrain. Utilisez pour cela la balle courte-croisée suivie immédiatement de la balle longue dans le côté opposé.

distance maximum pour l adversaire

Si vous jouez en A, jouez le coup suivant en B

Jouer la même séquence autant de fois qu’il le faut (leçon 2)

Une des raisons qui font que je trouve parfois Rafa ennuyeux est qu’il lui arrive de faire parfois systématiquement la même chose pendant tout un match. Si ses capacités d’analyse lui commandent de frapper 25 fois au même endroit ou de reproduire 15 fois de suite la même séquence de jeu, comptez sur lui pour respecter son plan strictement à la lettre. Quand il sert contre Roger Federer sur terre battue, il joue 9 fois sur 10 la même balle haute sur son revers. Ce service, qui ne sera jamais gagnant, a juste pour objectif de neutraliser Roger et de démarrer l’échange avec un léger avantage qu’il s’emploiera méthodiquement à augmenter au fil des coups.

A l’image d’Hannibal, de l’Agence Tout Risque (célèbre série TV), Rafael adore les plans sans accrocs. Ne pariez pas sur lui pour jouer des coups fantaisistes ou simplement esthétiques. Il vient sur le court pour gagner et c’est le principal que lui demandent ses supporters.

En pratique

Un de mes défauts de joueur est de quelquefois jouer des coups (en match officiel) avec le simple objectif de varier mon jeu. Ma petite voix intérieure me dit « Tiens Vincent, ça fait longtemps que tu n’as pas fait de volée amortie ! » ou bien « J’en ai un peu marre de monter au filet, si j’essayais de gagner des points du fond du court, pour voir ».

Attention, varier ses coups peut être une excellente chose si elle est mise au service d’un projet tactique pensé. Mon adversaire, réglé comme une horloge, peut être déstabilisé par des changements de rythme ou de trajectoires par exemple.

Dans le cas où vous avez les cartes en main et ou vous avez trouvé la tactique gagnante, aussi simpliste et ennuyeuse soit-elle, conservez-la jusqu’à la victoire.

Travaillez votre endurance physique (leçon 3)

1er tour de Roland Garros 2011, Rafael Nadal n°1 est mené par John Isner n°39 deux sets à un. Emotion dans le stade : le quintuple vainqueur serait-il en danger ?

OUI, aux vue des deux tie-breaks parfaitement joués par l’américain. Le géant américain (2m06) a les armes pour déstabiliser l’espagnol. Un service énorme lui donne nombre de points directs. Un gros coup droit à plat et une grande envergure au filet, mis au service d’un tempérament porté vers l’avant lui permettent d’éviter le bras de fer du fond du court. Enfin, comme l’intéressé l’a déclaré après match « contrairement aux autres joueurs, les balles hautes de Nadal naviguent à hauteur idéales pour moi ».

NON, pour Mats Wilander dans le journal l’équipe du mercredi 25 mai. « Les gens oublient que Roland Garros se dispute en trois set gagnant. Or Nadal élève son niveau de jeu dans le quatrième et cinquième set. Tout le monde peut affronter Nadal pendant trois heures. Au-delà c’est une autre histoire. C’est comme une course de vélo : vous restez au contact avec lui jusqu’à 15 km de l’arrivé. Et là, paf !, il accélère. Il se retourne : qui pour me suivre ?personne. »

Les propos de Mats sont confirmé par John Isner en conférence de presse « A 30a dans le dernier jeu, j’aurais eu besoin d’une bouteille à oxygène, j’étais proche du malaise, mes jambes étaient mortes ».

Pour mémoire, Rafael Nadal à fini par remporter la rencontre en 5 sets et l’édition du tournoi 2011 dans la foulée.

En pratique

Etre le plus endurant vous procure plusieurs avantages. En premier lieu, il y a un avantage dans le jeu. Vous serez capable de fournir les mêmes efforts plus longtemps que votre adversaire et à niveau égal, vous allez donc creuser l’écart naturellement. Le deuxième avantage est psychologique. Savoir que plus le match dure et plus vos chances augmentent, vous donne un surcroit de confiance qui vous permet d’être plus détendu au démarrage. Enfin, l’exercice physique stimulant les facultés mentale, plus vous serez affuté physiquement, plus vous serez vif et alerte intellectuellement pour mener intelligemment votre partie.

Apprenez à terminer le point proprement (leçon 4)

Certains détracteurs de Rafael Nadal lui reprochent la pauvreté technique de son jeu et son incapacité à jouer des coups en toucher. Je pense qu’ils se trompent lourdement. On est certes loin avec Rafa du feu d’artifice de virtuosité technique et de créativité d’un Roger Federer des grands jours, mais regardons de plus près et avec un œil plus objectif.

Avez-vous vu Rafael Nadal rater souvent des volées faciles ou moyennes ?

Non, et ses adversaire malheureux en double vous le confirmeront : Rafael volleye plus que correctement. C’est sûr qu’il monte rarement au filet en simple, mais quand il monte c’est pour poser sa volée gagnante le plus tranquillement du monde. De la même façon, quand les nécessités l’exigent il peut enchainer service-volée, distiller des amorties ou des stop-volées.

Et pour cela Rafael Nadal a un secret : l’entrainement.

Les observateurs non-initiés seraient surpris de voir certains entrainements de Rafa entièrement consacrés à produire des coups insolites. Il peut passer des séances entières à enchainer services et volées, à taper des volées et demi-volées ou encore à frapper à plat ou en chop tous ses coups. Quand il est en confiance Rafael Nadal n’a pas besoin de répéter ses gammes habituelles de fond de court puisqu’il les reproduit des dizaines de fois pendant ses matches. Il préfère investir son précieux temps d’entrainement à peaufiner des coups qui vont lui servir moins souvent mais dont l’utilisation au moment crucial s’avèrera décisif.

En pratique

Ne négligez pas l’entrainement des petits coups qui vous permettrons de terminer le point. A quoi vous servira-t-il de déborder l’adversaire si vous mettez votre volée dans le filet ? A quoi vous servira-t-il de courir sur une amortie si vous n’êtes pas capable de contre-amortir ? A quoi vous servira t-il de jouer long si vous n’êtes pas capable d’exploiter une balle courte ?

Les joueurs d’échec débutants commencent par apprendre à mater l’adversaire (terminer la partie) avant de d’apprendre les ouvertures (début de partie). Les joueurs de tennis devraient s’inspirer de ce principe.

Attention cependant à ne pas vous entrainer à produire des coups qui ne vous serviront jamais en match !

Se moquer du qu’en dira t-on et maitriser son image (leçon 5)

Rafael a laissé dire qu’il avait une pauvre technique. Il a démontré qu’il savait tout faire au moment voulu.

Rafael a laissé dire les mêmes spécialistes qu’il ne gagnerait jamais Wimbledon. Il a tranquillement produit les ajustements nécessaires à l’adaptation de son jeu sur gazon.

Et puis il devait arrêter le tennis à 25ans, perclus de blessures….

En pratique

Comme Rafael Nadal n’écoutez pas les aigris, les jaloux et les sots. Croyez en vous, écoutez les amis qui croient en vous. Pour les conseils, demandez exclusivement à ceux qui savent et qui ont fait leurs preuves.

A ne pas imiter Chez Rafael Nadal

La technique de Rafa.

Les gestes de Rafa sont le produit d’un travail d’orfèvre de la part du génial Tony, son oncle. Son coup droit surpuissant avec sa fameuse fin de geste en forme de lasso, il n’y a que Nadal qui a la biomécanique et le physique pour le faire. Ses prises de raquettes très fermées demandent des gestes d’une amplitude et d’une puissance hors du commun pour donner leur pleine mesure.

Abstenez-vous de faire pareil, vous risquez de vous faire mal.

Jouer de la main gauche si vous êtes droitier

Encore une inspiration géniale de Tony Nadal. Rafael est droitier, il écrit de la main droite mais son oncle a repéré une bien meilleure qualité de fibres musculaire dans son bras gauche. D’où son pari réussi d’apprendre au jeune Rafael à jouer de la main gauche.

Ne compliquez pas les choses en vous contrariant le bras directeur. Vous n’êtes pas Rafael, votre entraineur n’est pas Tony Nadal et vous risquez de perdre du temps.

crédit photo : mirsasha

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Posté par Vincent

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13 commentaires
  1. métais rolande laurette 17 août 2011 at 22 h 49 min - Répondre

    super!!!

  2. Grossir 5 septembre 2011 at 15 h 28 min - Répondre

    Il a un jeu très très brutal, très propre, très dur !

    • Dimitri 7 septembre 2011 at 10 h 23 min - Répondre

      bonjour.

      C’est ça que j’aime jouer aussi. Sans vouloir le copier et même s’il ne fait pas partie de mes joueurs/joueuses préférés, il y a une animalité qui me séduit dans son jeu.

      • Vincent Bonnin 11 septembre 2011 at 22 h 52 min - Répondre

        Excellente remarque Dimitri,
        L’ animalité parfaitement maitrisée de Rafael Nadal est une grande source d’inspiration pour moi aussi, particulièrement quand je décide de jouer en force.

  3. Vincent Bonnin 5 septembre 2011 at 22 h 50 min - Répondre

    Merci grossir pour ton commentaire, mais l’apparente brutalité du jeu extrêmement physique de Nadal ne doit pas éclipser son extraordinaire capacité à sortir le petit coup subtil gagnant, au moment le plus pertinent du match.

  4. jean-robin 30 octobre 2011 at 2 h 31 min - Répondre

    merci beaucoup pour ce très bon article.
    j’ai été surpris et intéressé de lire que le fait que nadal joue de la main gauche relève d’un choix rationnel de Toni basé sur une analyse comparée des fibres musculaires du bras gauche et du bras droit de Nadal. je suppose que si vous le dites c’est que c’est vrai, et je m’étonne de ne l’avoir jamais lu dans la presse sportive (que je lis assez souvent).
    à part ça encore merci – et bravo pour la qualité du blog :-).

    • Vincent Bonnin 2 novembre 2011 at 0 h 24 min - Répondre

      Très content, Jean-Robin, que mon blog te plaise.
      Je dois avouer que je partage une partie de ton interrogation sur le choix « rationnel » de Tony Nadal.
      Mais bon, Rafael est droitier et son bras gauche est indiscutablement une merveille de puissance et d’ explosivité. Quand on a pris conscience des spectaculaires évolution que Tony Nadal a déja fait subir au jeu de l’espagnol. On peut penser plausible l’histoire de l’entraineur qui fait essayer à son jeune élève de jouer de la main gauche (impossible de mettre la main sur la source de l’anecdote).

      merci en tous cas pour ton commentaire et pour l’intérêt que tu porte à mon blog.

      • Alex85 15 mars 2015 at 23 h 01 min - Répondre

        En fait, d’après Toni, « Rafa au début était ambidextre et il a cru bon d’aiguiller son neveu sur le bras gauche le croyant plutôt gaucher ». L’histoire est un peu grosse étant donné qu’il fait tout le reste de la main droite donc ça devait se voir qu’il était droitier. Enfin, je dis ça, je suis droitier sauf pour écrire où je suis gaucher car pareil j’étais ambidextre pour écrire et on m’a fait choisir la mauvaise main ou j’ai choisi la mauvaise main sur un coup de dés. J’ai une écriture potentiellement beaucoup plus belle de la droite (plus ronde) mais j’ai l’habitude de la gauche maintenant.

  5. jean-robin 2 novembre 2011 at 2 h 37 min - Répondre

    salut Vincent
    en fait, j’ai lu dans l’équipe y a quelques temps une interview de toni où il disait « le fait que rafa soit droitier et joue de sa mauvaise main est une catastrophe : c’est pour cette raison qu’il est limité au service, et qu’il ne pourra jamais servir à des vitesses du même ordre que celle de ses rivaux ». et là, dans cette interview (qui date du premier semestre 2010), toni ne donnait vraiment pas l’impression que le fait que nadal joue de la main gauche ait été la résultante d’un choix rationnel, etc.
    fascinant en tout cas ces histoires de bras, de latéralisation, etc. :-).
    encore merci pour ton blog, je repasserai par ici avec plaisir.
    bonne fin de soirée!
    cordialement,
    jean-robin

    • Vincent Bonnin 3 novembre 2011 at 1 h 06 min - Répondre

      Merci Jean-Robin pour ta contribution,

      On reconnait bien ici le style du clan Nadal qui manie la fausse modestie avec une grande subtilité.
      Quand toni (qui s’écrit effectivement avec un i) évoque une catastrophe pour la main gauche choisie par rafa pour jouer et un service en conséquence limité, je pense immédiatement à une nouvelle ruse des Nadal pour passer sous les radars.

      Quand Rafael remporte 100 % des points disputés sur sa première balle de service dans le premier set du simple décisif qu’il a disputé face à Tsonga en septembre dernier lors de la rencontre France-Espagne de coupe Davis, je me demande ce que cela aurait donné si l’espagnol avait pu servir fort…

  6. marc 15 octobre 2012 at 13 h 37 min - Répondre

    une fois de plus un très bel article….merci Vincent…

  7. pbeust 15 février 2017 at 14 h 24 min - Répondre

    Il n’empêche que le fait de servir de la main gauche est un avantage, car le gaucher bénéficie de son meilleur côté à 40/0, 40/30 et tous les avantages, alors que le droitier n’a que le 40/15 pour mettre en valeur son côté le plus efficace.

    • Vincent Bonnin 15 février 2017 at 22 h 15 min - Répondre

      Servir de la main gauche est souvent présenté à juste titre comme un avantage et il est souvent ressenti comme du côté adverse.
      Cependant, en travaillant un minimum sa technique et certaines séquences, il est possible d’acquérir les armes pour contrer les gauchers:

      http://blog-tennis-concept.com/jouer-un-gaucher-au-tennis/

      Vincent

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