Olivier Letort, actuellement membre de l’équipe pédagogique du club de tennis du Cercle du Bois de Boulogne (appelé aussi le Tir) est un grand théoricien de la pédagogie du tennis. Après de longues années de recherches sur le mini-tennis et le tennis évolutif, Olivier a mis sa science du tennis au service du plus grand nombre au travers de nombreux ouvrages disponible sur son site Tennis Cooleurs.com.
Au fil d’un entretien passionnant au travers duquel notre expert du tennis s’est montré particulièrement accessible, vous allez prendre connaissance avec quelques notions essentielles comme : la différence entre une bonne et une mauvaise frappe, les quatre principes de l’apprentissage d’un coup efficace ou encore la méthode pour rendre plus facile la modification technique d’un coup.
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Si vous souhaitez aller plus loin avec cette interview, n’hésitez pas à poser vos questions à Olivier dans la partie commentaire en bas de l’article. Il se fera un plaisir de vous répondre.
Transcription texte de l’interview
Vincent Bonnin : Olivier Letort, je suis très content de te recevoir sur Blog Tennis Concept pour te connaitre un peu mieux et connaitre les différentes recherches que tu as faites sur le tennis, qui sont très intéressantes. Tu as écrit deux articles dans Tennis Français.fr qui m’ont interpellé et que j’ai trouvé très intéressants. Donc, on va essayer d’en savoir un peu plus sur toi. On va démarrer par ton parcours, puisque tu es brevet d’état 3ème degré.
Déjà, un 1er degré (ça s’appelle maintenant un Diplôme d’Etat d’ailleurs) je sais à-peu-près ce que c’est. Le 2ème, c’est un peu plus flou, mais le 3ème ?
Olivier Letort : En fait, les Brevets d’Etat maintenant ont été remplacés par ce qu’on appelle les DE, diplômes d’Etat et DES, diplômes d’Etat Supérieurs. Avant, ça s’appelait BE1, BE2. Et il y avait le BE3 qui était surtout réservé aux gens qui avaient vocation à devenir entraineurs nationaux, c’était des entraineurs qui travaillaient à la Fédération ou en direct. C’était un diplôme qui était peu passé, parce que d’abord c’est long et aussi parce que c’est orienté vers de la recherche. Moi, ça me passionnait depuis longtemps et j’ai eu une opportunité de pouvoir passer ce diplôme.
Un jour, j’ai été contacté par le Vice-président de la Fédération, qui m’a proposé de financer ce travail de recherche, parce que ça coûtait un peu d’argent, et qui en échange m’a proposé de mettre en place tous ces travaux sur le terrain au sein de sa ligue. C’est comme ça que j’ai pu passer le BE3.
Vincent Bonnin : Est-ce que tu peux nous parler de tes recherches, j’ai notamment vu que tu avais beaucoup travaillé sur le mini-tennis et le tennis évolutif ?
Olivier Letort : Oui, au tout début je travaillais énormément sur le mini-tennis et notamment avec un monsieur qui s’appelle Jean-Claude Marchon qui était CTR de la Ligue de Paris, à l’époque j’étais à Paris. Ce monsieur est entré à la Fédération comme responsable mini-tennis en France et c’est lui qui a animé le mini-tennis en France dans les années 1970. Et comme j’ai été formé avec lui et que j’ai toujours travaillé avec lui, il m’a sensibilisé au mini-tennis et ça m’a intéressé. C’est vraiment le point de départ de la formation, parce que le mini-tennis c’est avant tout le développement de la motricité. Ça n’intéresse pas forcément que les enfants, mais les adultes également, puisqu’il avait même fait des séances de mini-tennis pour la Fédération de la retraite sportive, donc des gens qui avaient plus de 60 ans et qui avaient un profil de non sportif, qui avaient rarement fait du sport ou jamais et il les a initiés au tennis par le biais du mini-tennis.
Le mini-tennis est un concept de développement de motricité qui n’est pas forcément lié à l’âge. On l’utilise avec les jeunes enfants, parce qu’on sait qu’ils en ont besoin, donc j’ai beaucoup travaillé sur le mini-tennis avec ce monsieur. Ensuite, dans ma pratique je me suis intéressé à l’après mini-tennis et en 1989 je me disais que les enfants de huit, neuf ou dix ans n’avaient pas grand-chose à faire sur des terrains d’adultes, parce qu’en fait quand ils font des matchs ils se retrouvent dans les mêmes conditions que les deux finalistes de Roland Garros, il n’y a que les matchs en cinq sets qui les différencient. Mais à l’époque, ils avaient quasiment la même raquette, les mêmes balles, le même terrain, et ça ne me convenait pas. Donc, ça a remis en question ma façon d’enseigner et pendant un an je suis allé voir un peu partout d’autres disciplines, d’autres sports, d’autres activités, pour voir comment les gens s’y prenaient au niveau de l’apprentissage avec des enfants de huit à dix ans.
A chaque fois que je trouvais une bonne idée je la mettais de côté et au bout d’un an, j’ai fait une sorte de check-up de toutes ces idées que j’avais récoltées et est né le concept de tennis évolutif, qui quelques années plus tard s’est appelé Tennis Cooleurs. C’est un concept d’apprentissage qui a été testé au départ sur des enfants débutants qui sortaient du mini-tennis, parce que c’était le but, c’était de prolonger le mini-tennis.
Quand ça a été validé au bout de trois ans avec un vrai protocole, à l’époque c’était en région parisienne, j’ai voulu testé le concept auprès d’adultes débutants. Le résultat était identique, c’est-à-dire que ça permettait aux gens d’apprendre plus vite et de façon plus ludique, c’était moins fastidieux que l’approche traditionnelle. Ensuite, en 1997-1998 j’ai voulu tester à nouveau ce concept sur des joueurs de haut niveau, c’est-à-dire des joueurs négatifs et quelques joueurs de première série. Et donc, à ce jour il y a une quarantaine de joueurs entre – 4/6, – 15 et première série qui ont utilisé ce concept. Je parle beaucoup de ce concept aujourd’hui dans des écoles de tennis, parce que c’est la grosse partie de l’enseignement des enseignants en France dans les clubs, mais il intéresse tous les publics, en tout cas tout le monde peut s’y retrouver ; c’est un concept d’apprentissage et il intéresse tous les publics, jeunes ou adultes, et quel que soit le niveau.
Vincent Bonnin : D’accord. Donc, si on résume, tennis évolutif bien pour les jeunes, bien pour les adultes débutants, tu as pu constater que ça pouvait même être utile pour le haut niveau, joueur négatif et éventuellement aux premières séries. On peut dire que c’est quelque chose qui apporte à tout le monde.
Olivier Letort : Oui. Après, en fonction de son niveau on va l’utiliser de façon un peu différente, mais il peut intéresser tout le monde. Mais, quand je vais faire des formations à droit à gauche, c’est plus dans le but que les gens l’utilisent avec des enfants dans le cadre de leur école de tennis. Après, il faut oser passer la barrière avec les adultes qui ont souvent des aprioris, il faut trouver les arguments pour convaincre, mais ça apporte quelque chose c’est sûr.
Vincent Bonnin : Et donc un adulte qui n’est pas forcément débutant, qui a une technique générale assez bonne, qui dispute des compétitions, qu’est-ce ça pourrait lui apporter de passer sur du tennis évolutif, tu parles des fois de balles en mousse, de balles soft, qu’est-ce ça peut apporter concrètement, comment il va pouvoir améliorer son jeu grâce à ça ?
Olivier Letort : En fait, le concept repose sur quatre principes utilisés dans l’enseignement traditionnel. Le premier principe, la règle générale pour tous c’est de travail sur la précision plutôt que sur la vitesse ; c’est-à-dire que la précision permet de mettre en place du jeu et que le jeu fonctionne ; et la vitesse permet d’observer les progrès des joueurs. Je prends toujours l’exemple deux 30 qui font un match de tennis, ils font le même match que deux – 15, simplement ils ne le font pas à la même vitesse ; sinon, à part la vitesse il n’y a pas de différence forcément et obligatoirement entre un 30 et un – 15, les deux pratiquent le même sport sur le même terrain, ils comptent les points de la même façon, d’ailleurs ils participent aux mêmes tournois souvent, simplement ils ne jouent pas à la même vitesse.
Donc, c’est un problème de vitesse et de précision, les deux 30 vont être capables d’avoir un certain niveau de précision à un certain niveau de vitesse ; ils vont perdre cette précision dès lors que ça va aller trop vite pour eux, je parle du – 15, parce que c’est à l’extrême. Un match de tennis entre deux 30 est exactement le même que celui entre deux – 15, ils partent du service, il y a un retour, il y a tous les coups du tennis derrière, etc.
Donc, le premier point c’est de travailler sur le rapport entre précision et vitesse. Et on obtient cette vitesse et cette précision avec des balles qui vont de plus en plus vite ou de plus en plus lentement ; des raquettes de plus en plus petites ou grandes, ce qui va permettre d’augmenter la précision ou de jouer sur la vitesse et sur la taille des terrains.
Ensuite, le concept repose sur le développement de l’œil. On sait qu’un joueur de tennis quand il joue, la première chose qui est sollicitée c’est l’œil. La meilleure preuve, c’est qu’on ne peut pas aujourd’hui faire jouer des aveugles au tennis, on peut faire jouer des gens qui n’ont qu’un bras, mais les aveugles ne peuvent pas jouer au tennis. C’est la première chose qui est sollicitée et pourtant c’est la seule chose qu’on ne travaille jamais, on va plutôt se concentrer sur le bras ou sur les jambes, or le bras et les jambes ne sont qu’une conséquence de l’œil. Donc, il y a toute une batterie de jeu qui développe le coup d’œil et ce coup d’œil se développe quel que soit l’âge et quel que soit le niveau. C’est souvent une découverte pour ces joueurs-là, parce que le travail de l’œil c’est quelque chose qu’on ne travaille jamais dans l’enseignement traditionnel.
Une fois que l’œil est en place, on va travailler sur des espaces plutôt larges que longs pour garder la précision, mais on sait que les espaces qui vont être larges vont développer le sens du jeu, la créativité, la coordination, l’équilibre, l’adresse, le coup d’œil ; donc, que des qualités que les gens ont en eux, mais qu’on ne voit pas forcément ressortir à travers le jeu traditionnel. Ce n’est que des qualités dont on a besoin quand on fait un match de tennis.
Le quatrième point, c’est le point technique et la technique vue sous l’angle du Tennis Cooleur est de considérer qu’il n’y a pas de mauvais geste au tennis, mais qu’il y a des bonnes ou des mauvaises frappes. Le point de départ de l’enseignement ne va pas être le geste, mais la frappe, puisque les gens recherchent une bonne frappe quel que soit le niveau. Et plus on frappe bien dans la balle, plus on met la balle où on veut et plus notre niveau de jeu progresse. Je considère qu’il n’y a pas de gens qui ont des bons ou des mauvais gestes. Après, le geste c’est le style, c’est la signature, il n’y a pas des beaux ou des moins beaux styles ; on aime Nadal ou Federer, ils jouent tous les deux différemment au tennis en apparence, mais sur le plan technique ils ont rigoureusement la même technique, c’est-à-dire qu’ils ont tous les deux des frappes de qualité. J’ai essayé d’étudier ce qu’était une bonne frappe et une mauvaise frappe et on peut dire que les meilleurs joueurs du monde on tous une bonne frappe, c’est leur style qui est différent ; Djokovic joue différemment de Federer, de Wawrinka, etc. Et là, c’est le style et c’est quelque chose qui appartient au joueur, en tout cas ce n’est pas quelque chose qui rend une personne efficace. Maintenant on le sait, on en est sûr. Or, il y a beaucoup d’enseignants qui continuent de travailler sur le geste, sur la partie visible, c’est quelque chose qu’on peut apprendre, on peut apprendre un joli geste, mais ça ne rendra pas la personne meilleure sur le plan de l’efficacité. Voilà les quatre points sur lesquels on agit à travers ce concept.
Vincent Bonnin : Avoir un beau geste, ce n’est pas suffisant, donc ce n’est pas forcément une bonne chose que d’essayer d’imiter la gestuelle d’un champion d’après toi ?
Olivier Letort : Imiter la gestuelle d’un champion, sur l’aspect esthétique peut être intéressant, en tout cas sur le plan de l’efficacité ça n’a aucune influence. J’ai connu certains joueurs notamment un qui imitait à la perfection Borg et un autre Connors, des joueurs de l’époque, c’était presque troublant, parce qu’ils jouaient exactement comme eux sur le plan gestuel. Sur le plan tennistique, ils n’étaient pas forts du tout et ne le sont jamais devenus, parce que ce n’était pas possible, mais sur la plan gestuel c’était rigoureusement la copie conforme de Borg pour l’un, il était à 15/5 et l’autre qui imitait Connors à la perfection, sauf qu’il était droitier, mais c’était exactement la copie conforme de Connors, il a dû être 30/2 ou 30/3 et il n’a jamais dépassé ce niveau-là, parce qu’il était tellement préoccupé par le fait d’imiter gestuellement que sur le plan de l’efficacité ça passait à côté.
Souvent les enfants imitent les champions au moment où ils forment leur tennis, leur personnalité tennistique, donc ils vont s’appuyer sur un joueur qu’ils aiment bien et ça ce n’est pas très grave, parce que ça les aide à personnifier un peu leur jeu, leur style, mais sur le plan d’efficacité on copie un geste, mais on ne copie pas l’efficacité du geste. Donc, l’efficacité c’est vraiment bien frapper dans une balle ou mal frapper dans une balle. Tout joueur de tennis rêve de mettre la balle là où il veut à la vitesse où il veut et quel que soit le geste. Donc, c’est vraiment un problème de frappe. Et je me souviens que quand on a interviewé Federer sur ce qu’il perdait quand il s’arrêtait de jouer longtemps, il disait qu’il ne perdait pas son tennis, mais qu’il perdait sa frappe, c’est-à-dire qu’il perdait ses sensations de bonnes frappes ou de mauvaises frappes. Et c’est pour ça que quand les joueurs de haut niveau vieillissent, gestuellement ils gardent le même jeu ; on regarde jouer les légendes, quand ils reviennent devant nous, ils jouent exactement de la même façon que quand ils étaient très forts, simplement ils ont perdu l’œil,ils ont perdu les jambes et donc les frappes. Et donc, ils ne jouent plus à la même vitesse, parce qu’ils perdent les deux éléments principaux : l’œil et les jambes. Ce qui fait que le bras va un peu moins vite, la balle est frappée un peu plus tard, etc. Ils restent des bons joueurs, mais ils ne peuvent plus garder le même niveau.
Si c’était juste un problème de geste, les joueurs seraient forts toute leur vie, or ils déclinent, c’est bien une raison physique liée à l’œil et aux jambes. Si le geste était si important, ça se saurait déjà, il suffirait simplement de recopier un geste chez tout le monde. Ce qu’on a fait à une époque, on travaillait beaucoup sur le geste avant, les écoles de tennis regorgeaient d’enfants qui étaient beaux à voir jouer, qui avaient des beaux gestes, mais qui étaient des mauvais joueurs. Donc, on a fabriqué des milliers de mauvais joueurs qui étaient très beaux à regarder, mais qui ont rarement gagné un match de tennis. Il y a l’aspect esthétique et l’aspect efficace qui rentrent en ligne de compte.
Vincent Bonnin : J’ai plusieurs lecteurs qui se posent beaucoup de questions sur les prises de raquettes, s’il faut changer de prise entre le coup droit et le revers. J’ai tendance à leur conseiller que oui. Tu as fait tout un article dans Tennis Français.fr qui parle du coup droit et du revers. Au niveau des vétérans, pour lesquels il n’est peut-être pas facile de changer les habitudes, qu’est-ce que tu pourrais leur conseiller ?
Olivier Letort : C’est toujours le public qui n’est pas forcément le plus facile, parce que souvent ce sont des gens qui jouent déjà depuis longtemps, qui jouent pas mal. Le changement de prise, quand j’ai fait l’analyse d’une frappe de balle au tennis, c’est un des cinq paramètres indispensables pour obtenir une bonne qualité de frappe à la fois au coup droit et en revers. C’est une question mécanique, c’est-à-dire que quand on pousse la balle en coup droit, ça revient à pousser une voiture, on pousse la voiture avec la paume de la main. Quand on fait un revers, on joue de l’autre côté. Ça reviendrait, si on ne changeait pas de prise, à pousser une voiture avec le dos de la main ; avec le dos de la main on ne peut pas pousser une voiture, on n’a pas de force, ça fait mal. Nous au tennis, pour parer à ça on fait un changement de prise, ça veut dire qu’on retrouve un peu plus de poussée et d’aisance pour pouvoir manœuvrer. Chez les vétérans, s’ils devaient changer de prise alors qu’ils ne l’ont jamais fait et qu’ils jouent depuis très longtemps, malheureusement, ils leur faudrait des heures et des heures de pratique ; et je ne suis pas sûr qu’on arriverait à un bon résultat parce que ce serait très long. Comme je te l’ai dit la dernière fois, la difficulté ce n’est pas d’apprendre, c’est de désapprendre, c’est ça qui prend du temps, c’est retirer les habitudes et de créer un disque vierge et de retracer des nouveaux sillons avec des nouvelles habitudes. Ça, ça va très vite, mais c’est supprimer les anciennes qui prend du temps.
Avec ces gens-là, le concept de tennis Cooleurs pourrait leur être utile pour découvrir les sensations de changement de prise. Et dans ce cas-là, il faudrait qu’ils reviennent avec des balles plus lentes, avec des raquettes plus petites sur des terrains plus petits, pour qu’ils puissent transposer les habitudes qu’ils ont dans le grand terrain dans un contexte très facile. Et là, le changement de prise ne les gênerait pas. Il les gêne actuellement, parce qu’il se passe dans un contexte qui est le contexte le plus rapide pour eux. Je ne sais pas si je me fais comprendre.
Quand ils jouent sur 24 mètres entre eux avec des balles dures, c’est le contexte le plus performant pour eux. Changer une habitude dans ce contexte-là, c’est très dur. Par contre, si on les met sur un terrain plus petit avec une raquette plus petite, une balle plus lente, ils vont avoir l’impression d’être beaucoup plus forts, forcément parce qu’on va diminuer les contraintes et là on peut agir sur ce changement de prise et leur faire sentir une nouvelle sensation tout en les maintenant en situation de réussite, parce qu’ils vont être dans un contexte qui va être facile pour eux.
Ce que je pourrais faire avec ces gens-là, c’est les amener sur ce nouveau contexte en leur expliquant pourquoi et proposer un changement de prise, c’est ce que je fais avec des adultes qui jouent depuis un certain temps. Et là, souvent effectivement ils découvrent cette nouvelle prise qui leur donne des nouvelles sensations, où ils trouvent en général que c’est très agréable, parce que ça correspond à une nouvelle possibilité mécanique. Après, quand ils ont senti ce changement de prise, l’intérêt et la sensation agréable que ça procure, tout le travail consiste à les ramener sur ce grand terrain jusqu’aux balles dures.
Et c’est là que ça peut prendre un peu de temps, en fonction de leur degré de patience, de leurs envies ; il y en a qui acceptent de revenir, d’autres préfèrent rester comme ils étaient, mais au moins ils ont goûté à cette nouvelle prise, surtout dans des conditions facilitantes où ils ont l’impression que ça ne les gênent pas, et où au contraire, ça devient une évidence pour eux, mais dans un terrain encore une fois plus petit, avec des balles plus lentes, des raquettes plus petites, donc dans un environnement qui facilite l’apprentissage. Toute la difficulté pour eux est d’arriver à retrouver cette même sensation sur un grand terrain avec des balles dures et c’est ça qui risque de prendre un peu de temps. Et le tennis cooleurs peut aider à réduire cette durée.
Vincent Bonnin : Tennis cooleurs, puisqu’on en parle, puisqu’on arrive à la fin de cet entretien très intéressant, c’est un site Internet, on rappellera les coordonnées à la fin de l’article. Tu as écrit aussi des ouvrages qui sont disponibles pour le grand public, tu pourrais nous en parler, nous conseiller ?
Olivier Letort : Oui, il y a deux livres qui sont spécifiques au mini-tennis et là je dirais pour les gens qui encadrent des enfants, ça peut être aussi des parents, c’est des ouvrages qui peuvent aider les enfants qui se demandent souvent ce qu’ils peuvent faire avec leurs enfants de cinq ans et six ans sur un cours, parce qu’ils sont un peu désemparés. Donc, soit des enseignants, soit des éducateurs, soit des parents peuvent y trouver leur compte.
Et puis il y a un livre qui s’appelle tennis évolutif, tennis Cooleurs dans lequel j’ai parlé un peu de tous les travaux de recherche qui m’ont amené à mettre en place ce concept. Ce n’est pas un livre de jeu, c’est un livre qui fait état du pourquoi de ce concept, avec une expérience menée avec des joueurs de haut niveau. Et le dernier livre, qui s’appelle Il était une fois le tennis, un livre de jeu en fait ; ce sont des jeux que j’utilise avec des adultes, comme avec des enfants, ce sont des jeux qui sur un chapitre développent l’œil, je parlais de l’œil tout à l’heure, il y a une quinzaine de jeux qui développent le coup d’œil, d’autres jeux qui se rapportent à la largeur, d’autres qui développent l’aspect technique, c’est-à-dire la frappe. Mais ce n’est pas parce que ce sont des jeux que ça ne s’adresse qu’aux enfants, quand je suis avec des adultes, j’utilise les mêmes jeux, simplement comme les adultes ont un vécu plus important, ils ont plus de force, etc., ce sont des jeux que j’utilise parfois avec des balles dures, parfois sur un grand terrain. Mais les jeux restent les mêmes, parce que les adultes sont aussi des grands enfants, ils aiment jouer, donc c’est un livre qui peut être utilisé également avec des adultes.
Vincent Bonnin : Bien, Olivier je vais te remercier très sincèrement et chaleureusement pour cet entretien très intéressant et je te dis peut-être à bientôt sur Blog Tennis Concept.
Ressources :
le site d’Olivier Tennis Cooleurs.com
Bibliographie
Il était une fois le tennis,
Tennis evolutif, Tennis Cooleurs,
Tennis Cooleurs : formation, apprentissage, compétition
et tous les autres ouvrages d’Olivier Letort sont disponibles à la commande sur son site internet.
Article très très intéressant.
Bonjour et merci Jean-Pierre pour ce commentaire très sympa
Au plaisir de se rencontrer
Olivier
Bonjour Olivier et merci de répondre à mes lecteurs.
Quand, en fin d’interview, tu évoques le changement de prise comme l’un des cinq critères qui permettent d’avoir une bonne frappe à la fois en coup droit et en revers, pourrais tu brièvement (si toutefois c’est possible) nous présenter les quatre autres (critères) ?
merci encore pour l’interview.
Vincent
Bonjour Vincent,
Ces critères font suite à une travail de recherche dont la publication est affichée sur mon site. Brièvement, l’idée était de comprendre pourquoi des joueurs débutants étaient capables de produire une dizaine d’échanges (dans des conditions adaptées bien sur) puis d’analyser les constantes de la frappe chez ces personnes. Cette étude m’a surtout révélé que le geste n’a aucune importance dans la réussite ou l’échec puisque seule la frappe est juge de paix. D’une frappe nait forcément un geste, l’inverse n’est pas vrai!
Bonjour Vincent et Olivier,
L’interview que vous nous présentée est franchement fascinante et motivante.
Je trouve l’approche d’OLIVIER très intéressante sur la manière d’appréhender le tennis. Je suis bluffé par autant de clairvoyance et vais m’empresser de commander les 2 livres dont il fait référence. Grand BRAVO encore et merci à Vincent de nous permettre de profiter de ces articles et de nous faire découvrir autant de nouvelles choses sur le tennis.
Merci Alain, pour ton enthousiasme.
J’ai moi aussi pris beaucoup de plaisir à interviewer Olivier qui parvient à transmettre avec des mots simples et clairs, accessibles à tous, un peu de la science du tennis qu’il a acquise lors de ses recherches.
Merci Vincent!
Je continue à prendre moi beaucoup de plaisir à découvrir de nouveaux enseignants via ton blog, quelle belle idée!
Au plaisir de te retrouver!
Merci Alain pour ton commentaire très sympa!
J’espère que les livres te donneront autant de plaisir…j’essaye de transmettre les ficelles de notre sport de la façon la plus simple possible sans toutefois le dénaturer.
Si la technique t’intéresse, je sors un livre début juin dans lequel sont appréhendés les 5 secrets de la frappe de la balle.
En tout cas merci et au plaisir de se croiser
Olivier
Bonjour à tous.
Je découvre ce site qui respire une certaine fraîcheur: pas d’élitisme, une certaine proximité avec tous les joueurs de quelque niveau que ce soit.
Je suis complètement débutant au tennis, j’ai 41 ans, je prends des cours depuis 2 ans et je n’ai jamais fait d’autres sports de raquettes de toute ma vie.
Je suis quelqu’un qui a tendance à se poser des questions car j’aime bien comprendre ce que je fais.
Trop de questions aux dires de la plupart des profs ou entraîneurs que je côtoie (que ce soit en natation, course à pied, vélo, ski…).
Lorsque je lis les interventions d’Olivier, je trouve certaines approches un peu trop simplistes à mon goût, au risque de choquer.
Quand je lis Olivier, j’ai l’impression que seules la vitesse et la précision sont à travailler (et le coup d’œil ! Olivier, je me fais un peu l’avocat du diable…).
Parce que pour moi, ce qui fait la différence entre des joueurs d’un classement différent, ce n’est pas que la vitesse et la précision.
La vitesse est la partie « émergée » de l’iceberg.
Quelques soient les sports, les joueurs de niveaux différents joueront avec les mêmes règles, les mêmes environnements, etc…
Mais jouer vite et précis fait appel à des qualités que certains n’ont pas ou peu et les chances de les améliorer existent bien mais sont toutes relatives.
Et ces qualités sont difficiles à travailler dans un cours.
Non seulement nous ne sommes pas tous égaux (première nouvelle !), mais surtout, nous n’avons pas tous fait du sport tôt et très jeune (important, le très), et tous les entraîneurs n’ont pas forcément la même acuité de ce qui est « important ».
Il y tellement de facteurs limitants intervenant dans la précision et la vitesse:
Les qualités physiologiques, la coordination, l’équilibre, le relâchement, le conditionnement, l’estimation (coup d’œil), la conscience et la compréhension du rôle des muscles, transferts de poids dans les gestes…
Je vois bien que je suis quelqu’un de crispé naturellement (quelque soit le sport) et c’est dévastateur puisque ça affecte complètement mes gestes (que ce soit à la guitare, en train de battre des blancs en neige à la main, en train de nager, ou pire, même en course à pieds, mon épaule droite crispe désespérément).
J’ai une coordination médiocre (qui n’a pas été travaillée, jeune) et un équilibre vraiment précaire (ce qui influe sur la position de mes postures au service, coups droit, revers avec les conséquences qu’on imagine)…
Alors oui, je progresse et malgré cela, je suis capable de jouer un petit peu vite (par rapport à des joueurs dans ma fourchette) parce que je compense avec le physique et la « puissance » (sans présomption aucune), mais je n’ai pas encore le coup d’oeil (qui se dévellope en fonction des joueurs que l’on rencontre).
Quand ma prof me dit que pour être offensif, il faut pousser sur les jambes, je le conçois (car c’est une notion évidente et transposable à tous les sports) mais je ne le ressens pas: je « triche » en singeant son geste sans que les muscles en question jouent le rôle prévu ou améliore le geste travaillé.
De la même façon, tous les transferts de poids des membres du corps qui permettent de capitaliser ces vitesse de transfert au service d’un coup rapide et/ou puissant sont totalement sous-exploités: ce qui se compense de mauvaise façon par des gestes forcés au mépris des articulations, tendons, muscles…
J’ai débuté le tennis dans le but de pratiquer un sport moins solitaire que ceux que je pratique et plus « ludique ».
J’étais super motivé et je suis rattrapé par le côté excessivement technique et toutes les qualités qui me font défaut pour vraiment progresser.
Je continue car c’est un bon sport pour « partager » (même si on n’est que deux) mais je me sens frustré et je peux toucher mes limites (même au bout de deux ans !).
Évidemment, si je joue 5 heures par jour avec des coachs comme Olivier, je vais progresser: mais c’est irréalisable.
Bref, tout ça pour dire, qu’il y beaucoup de paramètres qui influent sur le jeu, la technique et que beaucoup n’en n’ont pas conscience.
Quand je vois les effets dévastateurs de la « crispation », cela m’amène à en être pleinement conscient. Mais seulement aujourd’hui. Maintenant que je suis adulte et que je pratique d’autres sports: l’envie de comprendre ce que je fais me pousse à analyser tout ce qui entre dans la composition d’un geste technique.
Quand je vois ma fille de 6 ans qui commence à tracer ses premières lettres et qui appuie fortement sur le stylo au point de graver la feuille, j’ai tout de suite conscience de son geste crispé (et normal puisqu’elle cherche à s’appliquer) et je rectifie en lui expliquant et refaisant avec le geste, relâché.
Dans le discours que je porte à mes enfants, je leur parle de ce relâchement que l’on peut transposer dans tous les domaines de la vie (sport, bricolage, loisirs, etc) et qui permet d’être beaucoup plus efficace et endurant que crispé…
Je ne voulais pas du tout intervenir pour « tacler » Olivier qui sait parfaitement tout ça (veuillez excuser ma maladresse si je froisse quelqu’un), mais plus je vieillis et plus j’ai conscience des difficultés et de la somme des qualités nécessaires pour réaliser un geste technique.
Et je trouve qu’apprendre tout court, sans jamais avoir appris, n’est pas très rapide pour les raisons évoquées plus haut.
Quand j’étais jeune adulte et que je voyais un Patrick Dupont dans une posture particulière, cela n’éveillait rien chez moi (je n’étais pas très sportif et je ne faisait que du footing donc un sport « moins » technique que la plupart des autres).
Maintenant que je pratique d’autres sports, je ne peux m’empêcher de comprendre la fascination qu’inspirent ces artistes, athlètes car on peut envisager la difficulté de ce que cela représente.
Pour faire comprendre ça aux enfants sans mots, il n’y a que le jeu et la répétition.
Les profs me disent toujours de ne pas me poser trop de questions mais plutôt de jouer et ressentir les choses: mais on a des qualités de perceptions différentes. et quand on ne sent pas les choses, on se calque sur un geste « académique » et standard jusqu’à pouvoir ressentir…
Ne croyez pas que je sois élitiste et le plaisir n’est pas forcément bridé par la recherche d’une bonne technique: d’ailleurs plus on joue mal, sans progression, moins on prend de plaisir…
Il faudrait des stages pour adultes, histoire de prendre ces raccourcis et éviter les heures passées sur internet à écumer les blogs ou forums, parfois enrichissants, pouvant distiller ça et là quelques conseils précieux ou intéressants.
Mais c’est compliqué en tant qu’adulte et les priorités des enseignements sont quand même beaucoup axées sur les enfants.
Je suis exigeant envers moi-même mais conscient de mes limites.
Bon j’arrête là et vous souhaite à tous de belles et nombreuses frappes de balles.
Merci à Vincent et Olivier, ces passionnés qui font avancer les choses à leur manière.
Bonjour Pipout,
Et merci pour ton commentaire particulièrement détaillé.
Si Olivier Letort parvient par la pédagogie a simplifier des concepts parfois complexes, il n’a jamais nié que plus on démarrait tard, plus acquérir un geste juste (ou corriger un mauvais geste) était difficile. Il explique d’ailleurs cela dans l’entretien. Heureusement, cet apprentissage difficile peut être facilité par l’utilisation de balles plus molles (soft, mousse, intermédaire), de raquettes plus légères et de jeu dans les carrés de service.
N’hésite pas pour te détendre a jouer souvent avec ta fille (si toutefois elle joue au tennis), cela pourrait te faire le plus grand bien techniquement parlant.
Pour l’acquisition du coup d’oeil, il faut être patient car c’est généralement ce qui met le plus de temps à ce mettre en place. En pratiquant l’exercice du 1,2,3,4 (1 quand la balle rebondit dans mon terrain, 2 quand je frappe, 3 quand la balle rebondit dans le terrain adverse et 4 quand l’adversaire frappe) tu accélères le processus.
Pour ta crispation, je suis moi-même très crispé et je passe régulièrement du temps sur le terrain à me focaliser sur ma respiration. La aussi la clef est ici et tout progrès reste possible dans ce domaine (même s’il vient petit à petit).
Pour ce qui est de l’acquisition du savoir technique, quand je prends des cours individuels avec mon coach de tennis, je lui demande souvent de reformuler certaines explications jusqu’à ce que j’ai bien compris le pourquoi du comment. Cela est finalement payant car quand un geste est bien compris (prendre avec soi éthymologiquement parlant) c’est pour la vie.
Bon courage à toi et sois persévérant cela finit toujours par payer crois-moi.
Vincent