Le tennis pourcentage est une notion souvent mal comprise par les joueurs amateurs. Ils associent d’ailleurs le plus souvent cette philosophie de jeu à l’absence totale de prise de risque dans l’échange. Jouer « pourcentage » est en réalité tout autre chose, puisqu’il s’agit tout simplement de jouer le tennis qui vous sera le plus profitable, que ce tennis soit effectivement totalement sécurisé ou au contraire joué sur le fil du rasoir.
L’article qui va suivre est signé Aurélien Rieu fondateur du blog Tennis Pourcentage.
Aurélien Rieu enseigne le tennis dans la proche banlieue parisienne et sa particularité est de porter la double casquette de sportif et de scientifique. Outre le tennis, Aurélien est professeur de maths/physique en lycée professionnel. C’est donc tout naturellement qu’il a orienté la thématique de son blog Tennis Pourcentage vers une approche scientifique de ce sport. Les sujets qu’il aborde dans son blog, le sont de manière très pédagogiques et se veulent accessible à tous.
En tant que lecteur fidèle du blog de Vincent, j’ai apprécié son article sur la notion de tennis pourcentage pour un jeu d’attaque.
Je le remercie de bien vouloir me permettre aujourd’hui à travers cet article de faire un focus sur cette notion sous estimée et sous exploitée de tennis pourcentage.
Le champion à l’origine du concept
A partir du milieu des années 40, le champion de tennis américain Jack KRAMER, a développé une nouvelle vision de son sport. Il a mis au service de son jeu des notions directement issues de l’analyse de données statistiques. En étudiant de manière approfondie toutes les phases de jeu et leurs variantes, il sélectionnait tout simplement pour chaque situation, les enchainements de coups qui lui donnaient les meilleures chances mathématiques de remporter le point. Plutôt que d’avoir une approche intuitive du prochain coup à jouer, il fit le choix de s’en remettre à la loi des pourcentages. Le meilleur coup étant celui qui possédait le meilleur pourcentage d’être gagnant. Historiquement, Jack Kramer fut le précurseur du jeu d’attaque dit classique dont le crédo était la pratique systématique de l’enchainement service-volée en première, comme en deuxième balle de service.
L’erreur de la pensée populaire
La majorité des personnes ainsi que des joueurs pensent que pratiquer le tennis pourcentage se résume à pratiquer un tennis ou on minimise les fautes. Pour ce faire ils se concentrent sur des trajectoires sécurisantes (en diagonales et liftées). Ils ne prennent pas d’initiative et se retrouvent dans une « posture d’attente ». C’est une erreur !
Les principes du tennis pourcentage
Je vais me risquer à donner une définition « minimaliste » et « simpliste » du tennis pourcentage, mais c’est pour la bonne cause : « Le tennis pourcentage c’est jouer ce qui vous réussit le mieux ! ».
Voici les 4 principes de base :
- Tenir compte de ses points forts/faibles
- Tenir compte des points forts/faibles de l’adversaire
- Tenir compte des facteurs extérieurs
- Tenir compte des statistiques
Reprenons en détails ces 4 principes.
L’art de la pratique du tennis pourcentage commence par une bonne connaissance de ses propres capacités.
Il est évident que si techniquement vous ne savez pas volleyer, vous n’allez pratiquement pas monter au filet (sauf occasion particulière).
En revanche, si votre point fort c’est le coup droit de décalage, rien ne vous empêche d’user et d’abuser de cette arme maîtresse.
Si naturellement vous avez adopté une prise fermée vous permettant de lifter fortement et que votre physique est plutôt endurant, vous pouvez alors pratiquer un jeu de démolition basé sur des échanges droite gauche.
Si on contraire, vos aptitudes principales physiques sont l’explosivité et la puissance, vous allez jouer un jeu prise de balle tôt avec des trajectoires tendues.
Vous devez donc en priorité être capable d’évaluer votre style de jeu qui vous réussit le mieux.
Vous devez aussi être capable d’adapter votre jeu en fonction de votre adversaire
En effet, imaginons que vous êtes plutôt un joueur attaquant à vouloir faire service volée. (je l’ai pratiqué à outrance pendant mes années de Fac). Mais vous rencontrez un joueur dont le point fort c’est le retour et le passing ! Vous devez donc immédiatement tenir compte de ce paramètre et adapter votre style de jeu. Vous allez cette fois réfléchir à des phases de jeu plus construites (en deux temps ou à contre temps) pour vous amener dans les meilleures conditions possibles au filet.
Cas extrême (cela m’est déjà arrivé), vous vous rendez compte que vous êtes meilleurs (plus réguliers) que votre adversaire et finalement vous décidez de rester en fond de court !
Prendre en compte les facteurs extérieurs.
Pour avoir pratiqué le service volée, je connais une situation délicate avec le soleil. Lorsque le soleil est placé dans l’axe du serveur, il va y avoir un court instant de zone d’éblouissement qui rend la pratique du service volée inadaptée.
Un des facteurs de crise aussi pour le joueur de tennis est le vent. Qui ne s’est pas déjà énervé contre Eole….
Cela peut aussi venir des spectateurs. Ils sont bien souvent la cause principale de déconcentration.
Vous devez aussi tenir compte de votre condition physique du moment. Au bout de 3 heures de matches sur terre battue en fond de court, ne faudrait-il pas tenter « au bluff » un retour volée sur seconde balle sur une balle de break…
Pour vous aider à prendre vos décisions de jeu, vous devez analyser vos propres statistiques.
À 5/5 30/30 au premier set sur votre 1er service, sur quelle zone, avec quel effet, et quelle puissance devez-vous jouer ?
Et bien vous devez réaliser le service qui vous a le mieux réussit jusqu’à présent contre cet adversaire et dans les conditions de jeu actuelles !
Et pour cela, il faut absolument tenir compte de votre pourcentage de réussite du moment !
Illustration avec le haut niveau
Je souhaite illustrer mon propos avec deux duels classiques ces dernières années sur terre battue. Federer/Nadal et Djokovic/Nadal.
Nadal sert exclusivement sur le revers de Federer. Pourquoi sur un moment important, ne change-t-il pas ? Parce qu’il sait que statistiquement sur la durée du match, c’est le service qui lui rapportera le plus de points contre Federer.
Et maintenant contre Djokovic ? Et bien il servira plutôt le coup droit car le serbe est sans aucun doute meilleur en revers….
Conclusion
L’approche statistique au tennis est primordiale. Vous devez pratiquer le jeu qui vous réussit le mieux en fonction de vos propres statistiques, de votre adversaire et des conditions de jeu du moment.
N’hésitez pas à laisser des commentaires en dessous de cet article. Vincent et moi-même seront ravis de pouvoir vous répondre.
Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à faire un tour sur le blog d’Aurélien : Tennis Pourcentage.
crédit photo en avant ©mirsasha
bonjour, très bel article sur l’aspect tactique d’un match illustré parfaitement lors de mon dernier match où attaquant tambour battant, je fus mené 5/0 en 20 minutes. Mon adversaire s’appuyait sur mes frappes lourdes et tendues pour monter en choppant au filet. Fort aigri de la tournure du match, je me trouvais contraint de changer de tactique et décidait de lifter sur son coup droit car il le refusait! Ce changement me permis de revenir dans le set, de le gagner, et même de gagner le match!
quand notre jeu préféré ne fonctionne pas, il faut accepter d’en changer.
Bon tennis, cheyenne
ps: pour vincent .je n’ai vu que 3 matchs à ton palmarès en janvier 2014, pourquoi? blessure ou préparation avec lendl, becker et edberg? lol
Bonjour Cheyenne,
Avant tout je te présente mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année.
Ensuite je tiens à te féliciter pour deux raisons:
=> revenir de 0/5 et gagner le match c’est signe d’un bon mental
=> trouver « la faille » c’est signe d’un sens tactique aiguisé
De façon générale, un joueur qui aura tendance à s’appuyer sur le rythme de balle de l’adversaire aura tendance à avoir des difficultés à gérer les variations d’effets, de trajectoires et de vitesses.
Pour le point précis du coup droit, cela peut être intéressant de regarder la prise de l’adversaire:
s’il adopte plutôt une prise « semi-fermée » (proche de continentale) il aura effectivement des difficultés à jouer les balles hautes!
À bientôt
Aurélien
Bonjour Cheyenne,
Et bien joué pour ton changement de tactique bien opportun. Le tennis est un sport d’adaptation et tu l’a prouvé de fort belle manière. Un revers choppé adverse pris tôt et joué en avançant peut se révéler parfois un poison mortel.
Pour ma préparation tu ne penses pas si bien dire car j’ai eu l’occasion d’échanger quelques balles à la toussain avec Jean-Pascal Roussat du site FreeTennis ainsi qu’avec Bertrand Camacho du site VotreTennis.org. Ce sont un peu les Edberg et Becker du web francophone.
Pour mon maigre bilan en compétition, tu pourra ajouter une victoire à 30 et une défaite à 15/4. J’attends que mon employeur actuel veille bien me lâcher un peu les tennis pour pouvoir disputer plus de tournois (ce qui ne saurait tarder). Il va falloir vraiment que je me trouve un mécène.
Bonne continuation
Vincent
On comprend maintenant mieux pourquoi Nadal apparait dans des pubs de poker;-) C’est avec grand intérêt que je découvre cette notion de pourcentage dans le tennis que l’on retrouve dans le poker : bien choisir les coups a jouer en match revient a bien choisir les mains a jouer autour d’une table, afin de maximiser les chances de remporter la partie. Posséder une bonne technique, un bon mental ainsi qu’un bon physique au tennis ne suffiront souvent pas pour gagner un match si la tactique n’est pas la bonne (j’en ai moi-même fait les frais en perdant mon dernier match par manque de cohérence tactique, alors que tout le monde voyait mon adversaire perdant lors de l’échauffement compte tenu de la médiocrité de sa technique et de la lenteur de ses déplacements). De la même manière, posséder un énorme tas de jetons au poker ne sera certainement pas gage de victoire si les mains jouées n’ont pas été judicieusement sélectionnées au préalable.
Merci et bravo pour cet excellent article qui nous rappelle que le tennis c’est dans les jambes, dans les bras, mais surtout dans la tête!;-)
Iv
Bonjour Iv
On dit souvent que le tennis est un jeu qui tient à la fois du poker et des échecs.
Je te remercie donc, pour cette très parlante illustration.
Vincent
Bonjour Iv,
Je te remercie de ton commentaire positif concernant mon article.
Tu fais une comparaison pertinente par rapport au poker. En effet, on évalue « sa main » en fonction des probabilités connues des combinaisons possibles.
Au tennis, il est intéressant de connaître ses propres statistiques de jeu. C’est ce que j’explique d’ailleurs dans ma formation:
http://www.tennispourcentage.fr/formation-statistiques/
Pour faire simple, il faut jouer ce qui te réussit le mieux!
À bientôt
Aurélien
Merci Aurélien 🙂
comme d’habitude, un article utile et intéressant .