La torture du droitier, le coup droit de Rafael Nadal.

Jouer et gagner contre un gaucher au tennis

Le week-end des 3 et 4 mars 2012 fut historique pour moi à plus d’un titre. Tout d’abord, j’ai joué quatre matchs de suite dans un même tournoi, ensuite, j’ai battu deux joueurs mieux classés que moi et enfin, j’ai joué et battu 3 gauchers à la suite. Voilà qui m’a donné l’inspiration nécessaire pour traiter la problématique du gaucher.

Jouer et gagner contre un gaucher, si on est soi-même droitier, n’est pas si compliqué que cela. Moins compliqué en tout cas que le mauvais a priori que le joueur (ou la joueuse) gaucher(gauchère) suscite.

Après l’analyse du jeu et des points forts des joueurs gauchers, nous verrons comment les contrer.

Les avantages du joueur de tennis gaucher

L’avantage psychologique

Personnellement ma première réaction était jusqu’à présent de soupirer intérieurement : « mince, je joue un gaucher ». Pourtant, le fait qu’il soit gaucher ne le fait pas courir plus vite, frapper plus fort ou volleyer de manière plus précise. Si on rencontre le plus souvent des droitiers sur un court, nous mettons en place des schémas tactiques spécifiques sur lesquels nous prenons peu à peu confiance. Rencontrer un gaucher nous fait sortir de cette zone de confort psychologique. Les gauchers nous obligent à jouer des coups que l’on n’est pas habitué à jouer et sur lesquels on est mal à l’aise.

La faculté du gaucher à trouver le revers du droitier

Dans le jeu de fond de court, les gauchers développent plus naturellement deux coups spécifiques. Le coup droit croisé lifté qui va gicler haut sur le revers du droitier et le revers frappé (ou glissé) le long de la ligne qui va permettre au joueur gaucher d’attaquer sur le revers. Le troisième coup spécifique du gaucher étant le fameux service slicé qui fuit du côté revers du droitier en le sortant du court (méthode Mac Enroe des années 80).

Le service slicé du tennisman gaucher

service slicé de michael llodra

service slicé de michael llodra ©robbiesaurus

L’avantage de ce coup est double. On a vu que la trajectoire du service slicé fuyait du côté du revers. Quand ce service est frappé du côté des avantages, c’est-à-dire sur des balles de jeu, il sort en plus le droitier du terrain. Cette situation se retrouve aussi à 40-0 et à 40-30. A l’inverse, le droitier qui slice déjà moins souvent que le gaucher, ne retrouve ce double avantage (sortir le gaucher du terrain côté revers sur une balle de jeu) qu’à 40-15.

Analyse tactique du match de tennis Droitier contre Gaucher

Rappel sur l’opposition entre deux droitiers au tennis.

Entre deux joueurs (ou joueuses) droitiers(droitières), le jeu se porte assez naturellement sur la diagonale des revers que l’on appelle aussi diagonale du bras de fer. Les deux adversaires se neutralisent en jouant revers croisé sur revers croisé. Quand l’un des deux joueurs joue une balle un peu plus courte, un peu plus lente ou un peu plus dans l’axe, l’autre en profite pour tourner autour de son revers et claquer un coup droit décroisé. Ce changement de rythme peut entraîner une réplique adverse plus faible et propice à une attaque. S’il est vraiment en bonne position, le joueur en coup droit peut tenter l’accélération le long de la ligne (suivie au filet).
Cette stratégie si elle est suivie simultanément par les deux joueurs peut donner un match assez prévisible dans son déroulement et pour être franc, quelquefois ennuyeux.

diagonale du bras de fer

la fameuse diagonale du bras de fer ©Vincent Bonnin

Le joueur A joue dans la diagonale du bras de fer sur le revers du droitier D.

Il peut sur les balles plus courtes tourner autour de son revers pour frapper un coup droit décroisé sur le revers toujours.

Quand se trouve en face de lui, le joueur gaucher G, ce dernier ne frappera que des coups droit.

G se fera alors le plus souvent, un plaisir de martyriser le revers de A avec son coup droit.

Les diagonales déséquilibrées

Quand un droitier rencontre un gaucher, cette stratégie dite du bras de fer tombe à plat puisqu’on a sur une des deux diagonales le coup droit du droitier face au revers du gaucher et, dans l’autre diagonale, le coup droit croisé du gaucher face au revers du droitier.

Les diagonales étant (logiquement) déséquilibrées, l’opposition droitier-gaucher donne souvent lieu à plus de changements de diagonale. Ce style de match est donc souvent plus animé et plus spectaculaire que les affrontements droitier contre droitier.

Les gauchers affectionnent souvent leur diagonale coup-droit d’où ils peuvent faire gicler un lift à hauteur d’épaule (ou plus) sur revers du droitier (méthode Rafael Nadal).
J’ai joué un gaucher en septembre dernier (2011) qui m’a complètement neutralisé en amenant le jeu systématiquement sur sa diagonale. De là, il me proposait des balles qui rebondissaient très haut au-dessus de mon épaule et que je ne parvenais pas à renvoyer correctement. J’ai perdu assez nettement.

L’autre diagonale est plus avantageuse pour le droitier car il peut alors jouer son coup droit haut sur le revers du gaucher, court croisé pour le sortir côté revers ou monter dans la foulée le long de la ligne sur les répliques courtes. La montée en coup droit le long de la ligne se fera sur le coup droit adverse, mais si elle est suffisamment vive elle obligera le gaucher à jouer un coup défensif dans la course.

la bonne diagonale du droitier

Diagonale du coup droit du droitier ©Vincent Bonnin

Le joueur A se trouve sur ce schéma dans sa bonne diagonale.

Placé en A1, quand il croise sa balle, il touche le revers de G, ou l’oblige à tourner autour, pour jouer un coup droit.

Sur les balles courtes qu’il jouera en A2, il pourra jouer court-croisé en C1 ou accélérer en C2 le long de la ligne.

De là, il fera sa reprise d’appui en A3 pour intercepter le passing-shot ou reculer sur le lob de G.

Comment s’entrainer avant d’affronter un joueur de tennis gaucher ?

L’idéal est, bien sûr, d’avoir dans son carnet d’adresse un gaucher avec lequel vous aller jouer régulièrement. Mais si les gauchers représentent 10 % de la population, ils ne sont pas plus nombreux pour autant sur les courts de tennis. Il m’est arrivé régulièrement d’avoir un grand nombre de partenaires d’entraînement, sans avoir de gauchers. Il est néanmoins toujours possible à l’entraînement d’utiliser les schémas de jeu pour gauchers contre des droitiers.

Puisque les joueurs gauchers vous obligent à jouer des coups sur lesquels vous êtes mal à l’aise, profitez-en pour améliorer la palette de vos coups à l’entraînement. Les coups qui vous manquent pour contrer les gauchers vous rendront plus efficaces encore contre les droitiers.

Le revers le long de la ligne

Si vous êtes embarqué sur la diagonale du coup droit du gaucher, pour pouvoir changer de diagonale l’idéal est d’accélérer à l’aide d’un revers frappé le long de la ligne (méthode Federer ou Djokovic contre Nadal).

Ce coup (plutôt difficile) n’est pas forcément naturel pour vous quand vous jouez contre un droitier. Cependant, si vous le maîtrisez, il vous sera non seulement plus facile de contrer les gauchers, mais vous créerez l’effet de surprise face aux droitiers.

Moins difficile mais tout autant efficace, le revers coupé le long de la ligne parviendra au même résultat de changement de diagonale. En plus, il est plus aisé de prendre la balle avant le sommet du rebond quand on choppe le revers. C’est ma technique favorite pour contrer les lifts bondissants que les gauchers envoient sur mon revers.

A l’entraînement, contre un droitier, n’hésitez pas à jouer choppé le long de la ligne. Ce n’est absolument pas naturel, mais je peux vous garantir que si votre revers coupé est bien réalisé (fusant avec un rebond bas) vous ne risquez rien de plus qu’une réplique en coup droit croisée plutôt molle et souvent courte. C’est en tout cas une bonne manière de tester la qualité de votre revers choppé.

Le coup droit lifté court croisé

La suite logique du changement de diagonale est la libération de votre coup droit. Si vous utilisez peu votre coup droit court croisé, c’est très dommage, car ce coup est très utile contre les gauchers. Il vous permet de sortir votre adversaire du terrain sur son revers et de vous ouvrir ainsi tout son côté coup droit.

Au pire des cas, si ce n’est pas un coup gagnant, cela fera parcourir à votre adversaire un maximum de terrain. Andy Murray utilise beaucoup ce coup pour mettre en difficulté Rafael Nadal.

Ce coup, si vous le travaillez, vous sera très utile aussi contre les droitiers pour exploiter une balle courte. Vous pouvez à ce propos vous entraîner avec un droitier à faire des séquences coup droit court croisé contre coup droit court croisé, en jouant chacun dans les couloirs au niveau des carrés de service.

Contrer le service slicé du gaucher

Ce service prend une trajectoire complètement inhabituelle si vous jouez exclusivement contre des droitiers puisqu’il fuit vers la gauche en direction de votre revers.

Si vous jouez contre un gaucher qui a tendance à abuser (comme souvent) de cet effet, je vous conseille de vous décaler vers la gauche et d’anticiper la position de la balle. Vous pouvez aussi, quand vous êtes du côté droit, vous décaler exagérément vers la gauche pour forcer votre adversaire à changer ses habitudes. Contraint à servir votre coup droit, ce dernier fera des fautes.
Une fois que vous êtes bien placé sur le retour et prêt à recevoir le service slicé du côté des avantages. Voici les trois parades que vous pouvez lui proposer.

La première consiste à rejouer court-croisé. Vous êtes dans ce cas déjà pratiquement replacé (théorie des angles) et vous contraignez votre adversaire à prendre des risques s’il veut vous déborder le long de la ligne (coup difficile).

La deuxième solution est de retourner long et au centre. Si votre adversaire ne suit pas son service au filet, ce coup le neutralise. Il va pouvoir jouer un coup droit, certes, mais il n’aura pas vraiment d’angle pour en profiter facilement.

La troisième solution est ma préférée, elle consiste à retourner le long de la ligne et à attaquer derrière. En vous plaçant à droite du filet et pas trop près de celui-ci, vous êtes placé idéalement pour capter le coup de défense adverse. En optant pour le chip (retour bloqué légèrement coupé) et à la condition qu’il ne rebondisse que très peu, vous n’êtes pas obligé de jouer long.

contrer le service du gaucher

3 options pour contrer le service du gaucher ©Vincent Bonnin

Le droitier A a retourné le service de G qui rebondit en C1.

Il peut alors :

  • jouer croisé en R1
  • retourner long au centre en R2
  • attaquer le long de la ligne en R3 (ou R3 bis quand la balle s’écrase).

Le service slicé du droitier

C’est le pendant du service slicé du gaucher puisque comme dans un effet miroir ce service fuit du côté revers du gaucher. Contrairement à une idée reçue, les droitiers qui ont un bon slice sont assez rares. Je considère un service slicé comme bon quand il touche très régulièrement la bonne zone avec une rotation satisfaisante de la balle. Je vous encourage très vivement à travailler ce coup qui vous sera très utile contre les gauchers comme sur les droitiers. Les gauchers n’aiment pas spécialement jouer des bons serveurs droitiers en slice.

Pour les bons serveurs qui possèdent tous les effets, il peut être intéressant sur les points importants servis du côté des avantages de servir un lift extérieur. Le gaucher qui se verra sorti du court sur son coup droit, verra un boulevard s’ouvrir devant lui. Il aura alors tendance à prendre des risques inconsidérés en cherchant le coup gagnant le long de la ligne.

Et les gauchers eux-même ?

Un petit mot tout de même en direction des gauchers qui liront ces lignes. Merci, au passage, d’avoir lu jusqu’ici. Quand vous rencontrez des gauchers, vous vous retrouvez dans la situation du bras de fer des droitiers (schéma 1). Vous devrez alors apprendre à tourner votre coup droit pour le décroiser ou l’accélérer le long de la ligne. Il vous sera aussi très utile de savoir lifter vos services qui rebondiront alors haut sur le revers de vos adversaires. Mon dernier conseil sera donc d’apprendre à varier votre jeu, car vous pouvez tout autant rencontrer un gaucher qu’un droitier sachant parfaitement vous jouer. Une caractéristique des joueurs et joueuses gauchers(gauchère) est d’être trop souvent prévisibles (même s’ils ont généralement mis au point un système de jeu très efficace).

Ces différents éléments de tactique sont bien évidemment à remettre dans le contexte particulier du match ou un gaucher peut très bien par exemple mieux jouer en revers qu’en coup droit.

Si vous avez mis au point des techniques particulières pour jouer des gauchers je vous invite à m’en faire part dans les commentaires.

crédit image mise en avant : mirsasha

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Posté par Vincent

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4 commentaires
  1. Alexis Lefeuvre 14 avril 2012 at 22 h 41 min - Répondre

    Etant gaucher, aura t-on droit au même article dans l’autre sens « comment battre un droitier »? 😉

    Ou même comment battre un gaucher lorsqu’on est soit même gaucher? Ça m’est arrivé une fois, et ce fut très déstabilisant, j’ai compris ce jour là pourquoi on disait qu’être un gaucher est avantageux.

    En tout cas merci pour ce blog intéressant

    • Vincent Bonnin 16 avril 2012 at 11 h 34 min - Répondre

      Merci pour ton commentaire,

      La prochaine fois que tu rencontrera un gaucher, dis toi bien que celui-ci se retrouve dans la même situation que toi.

      J’ai bien évidement pensé aux gauchers dans mon article, j’en parle dans le tout dernier paragraphe que je t’invite à relire.

      Observe les matchs ou deux gauchers s’affrontent et tu constatera que ce sont les mêmes schémas tactiques qui s’appliquent que quand ce sont deux droitiers qui en décousent (sauf que tout se passe à l’inverse).

      Mon conseil sera d’essayer d’enrichir ton jeu pour mettre au point des schémas tactiques qui te permettront de surprendre plus souvent les droitiers sur leur coup-droit.

      Tu sera à l’arrivé moins prévisible contre les droitiers et tu retrouvera moins démuni face au gauchers.

  2. Pat 15 novembre 2015 at 17 h 54 min - Répondre

    Bonjour Vincent,

    je sais que c’est pas très académique, mais pour ma part je sers en gaucher et joue ensuite de la main droite.
    Je trouve que cela m’offre des avantages, notamment sur la répartition de la fatigue sur 2 bras, des rattrapages improbables en coup droit « gaucher », et je gagne toujours au moins 3 jeux d’entrée en faisant rire l’adversaire !
    Y’a t’il beaucoup de monde dans ce cas ? Cela pose un réel problème pour progressera ton avis ?

    • Vincent Bonnin 16 novembre 2015 at 16 h 01 min - Répondre

      Bonjour Pat,

      Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de lecteurs et lectrice dans ton cas. En ce qui concerne ta progression, je dois t’avouer que je manque de repère pour pouvoir t’éclairer. J’ai souvenir d’avoir vu jouer dans les années 80, un joueur droitier classé 1/6 qui faisait régulièrement des coup droits de la main gauche.
      Le problème pourra ce poser dans le cas ou tes adversaire se mettraient à retourner très vite ton service et ou il te faudrait faire un changement de main express pour jouer un coup droit ou un revers de la main droite.
      Peut être que le plus simple sera de jouer à l’avenir tout de la main gauche directement (quitte à faire des coups droits « main droite » de temps en temps). Au tennis quand on a une bonne technique les deux bras travaillent et il est toujours possible (et souhaitable) passé un certain niveau de faire du renforcement musculaire pour renforcer la symétrie.

      Bonne continuation

      Vincent

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